Deadline Street

Quand on décide d'ouvrir un blog, l'une des premières choses auxquelles il faut réfléchir est le nom. Nommer un blog c'est essentiel : en effet, contrairement au journal intime qui ne nécessite pas de porter de titre (après tout il n'est destiné qu'à son seul auteur ), le blog est ouvert au lectorat et soumis à son appréciation. L'auteur du blog se doit par conséquent d'y mettre les formes. Ne serait-ce que pour créer une adresse internet. Bien sûr, pour cela, il pourrait tout simplement, par exemple, générer une série de chiffres aléatoires... Mais l'auteur d'un blog ne veut pas se contenter d'être un numéro, bien au contraire. S'il soumet ses écrits au regard vaste de l'omniversel Internet, en risquant ainsi d'être jugé par de parfaits inconnus, c'est qu'il veut sortir du lot. Se montrer, d'une manière ou d'une autre, en criant de par ses écrits à la face du monde : "J'EXISTE". Il faut donc un nom, un vrai : un nom qui lui ressemble, et qui claque, de préférence.

J'ai crée mon premier blog il y a environ dix ans, à l'ère de la toute-puissance des skyblogs ("la bonne époque" comme j'aime à l'appeler). Ceux-ci se concentraient bien plus souvent sur la personne qui le rédigeait que sur son contenu, souvent très pauvre soyons honnête : on oscillait entre clichés de l'auteur(e) et ses ami(e)s – le mot "selfie" n'existait pas encore – agrémenté d'une légende tout à fait illisible ("Ma sist4 best4 ch3wIie d'am0ur" entre autres), et textes longs, parfois bourrés de fautes d'orthographes, mettant l'accent sur les difficultés de l’adolescence et des premiers chagrins d'amour à grand renforts d'exagérations et de photos mélancoliques en noir et blanc trouvées sur Google images. Les membres de la deuxième catégorie (dont je faisais partie, quelle surprise) méprisaient cordialement ceux de la première, les jugeant futiles et vulgaires. Pourtant, en réalité, nos blogs à tous ne tournaient qu'autour d'une seule et même chose : notre petite personne. Nous avions simplement des moyens différents d'exprimer notre égocentrisme.

Il était donc logique et évident pour un ado de donner tout simplement son propre prénom à son blog (les "Julien78" ou encore "Coraliedu32" faisaient légion), ou, le cas échéant, son pseudo. Il est à noter que les premiers faisaient le plus souvent partie de la catégorie "sitah bestah" citée précédemment, et les seconds de la catégorie des poètes de seconde zone (citée précédemment). J'avais donc moi-même, vous l'aurez compris si vous avez suivi le raisonnement, opté pour l'option pseudonyme. Il était bien entendu d'une originalité folle, puisque trouvé à la va-vite dans l'urgence de créer mon blog – et de pouvoir m'inscrire à des forums, parce que c'était cool, les forums.

Il est néanmoins bien plus difficile de titrer un blog qui ne parlera pas nécessairement que de vous et de vos états d'âme. Ici, nous avons choisi d'écrire à deux. Le nom que nous allions donner à cet effort commun se devait d'être représentatif de nos deux univers. Il fallait donc se mettre d'accord.

L'envie de créer un espace où nous pourrions toutes les deux écrire, nous exprimer, tour à tour ou ensemble, nous trottait dans la tête depuis un moment. A force d'avoir de grandes discussions ensemble sur nos petites vies, nos conflits internes, ou sur des sujets plus vastes et épineux sur lesquels nous tombons souvent d'accord, parfois non, mais sur lesquels on prend toujours plaisir à partager nos points de vue, on s'est dit qu'il serait bien de mettre nos idées à l'écrit et d'en faire profiter le plus grand nombre de personnes possible. Parce que quand même, nous sommes des filles intelligentes avec des tas de trucs super intéressants à dire, et qu'il serait dommage de garder ça pour nous.

Nous avions déjà, chacune de notre côté, songé à rédiger un blog, mais sans jamais vraiment concrétiser l'idée, en tout cas pour ma part. En réalité, c'est la perspective de le faire à deux, et surtout l'enthousiasme de Charlotte pour le projet, qui m'ont vraiment motivée à le mener à bien.

Alors oui, vous vous direz que c'est juste un blog et que ce n'est pas bien compliqué à mettre en place. C'est bien mal me connaître.

Durant toute ma scolarité, même pendant les études supérieures, j'ai toujours eu tendance à me mettre au travail au dernier moment. Même quand le sujet du devoir me plaisait et que j'avais envie de le traiter, il fallait que la date de rendu soit vraiment imminente pour que je m'y mette sérieusement. J'ignore pourquoi, la procrastination a toujours fait partie intégrante de ma méthode de travail.

C'est justement en discutant avec Charlotte que j'ai pu formuler ce qui me retenait de me lancer dans des projets auxquels je pense depuis pourtant très longtemps. Sans personne pour m'imposer de délai, je n'arrive pas à me mettre sérieusement à travailler pour atteindre les objectifs que je me fixe moi-même, peu importe à quel point ils me tiennent à cœur. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle ce premier article arrive aussi tardivement (quatre mois après la création du blog ! Ça promet pour la suite...)

C'est de là que l'idée de la "deadline" est arrivée. La deadline, c'est littéralement le délai, la date buttoir dont nous avons besoin pour motiver notre productivité. Et ici, avec personne pour nous l'imposer, nous risquons d'en manquer cruellement. Ce mot nous permet de nous rappeler qu'il faut nous motiver mutuellement pour ne pas oublier notre objectif commun.

Une autre interprétation du mot est possible : en anglais, l'expression "the line went dead" se traduit par "la ligne a été coupée". La "dead line", traduit alors l'absence d'interlocuteur, notre solitude face à la page blanche sur laquelle nous couchons nos pensées.

Le mot "street", "rue" en anglais, transmet une seconde fois cette notion de ligne. En revanche, l'idée de la rue suggère l'expression de possibilités, de choix. Une rue, ce sont des maisons de formes, de tailles et de couleurs différentes, habitées par tous types de personnes, des animaux, des jardins, des arbres, des trottoirs. Une rue débouche sur d'autres rues et même sur boulevards, des routes, des villes… La rue c'est la croisée des chemins, les rencontres, l'ouverture aux autres, la possibilité de partager, de grandir, de faire partie d'un tout.
(on avait pensé à "avenue" mais ça faisait un poil pompeux et un peu long.)

Deadline Street, c'est notre espace à toutes les deux, une lettre ouverte à tous ceux qui auront envie de nous lire, qui nous connaissent ou pas, qui tombent dessus par hasard et qui auront peut être envie de rester. Aucune idée de ce que vous trouverez ici, il n'y a pas de fil conducteur: cette rue peut nous emmener partout et nulle part. C'est nous qui décidons, au gré de nos envies.






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